Anzico est une marque congolaise de maroquinerie artisanale qui allie savoir-faire local, design contemporain et matières authentiques. Fondée par Glad Moukiama et Kanda Will, Anzico puise son nom dans l’ancienne appellation du royaume téké, symbole de grandeur née de l’humilité. Chaque pièce est pensée comme un hommage à l’élégance africaine, façonnée avec passion et minutie, pour raconter une histoire : celle d’un Congo créatif, ambitieux et résolument tourné vers l’avenir.

Itinéraire d’une créatrice …
Née d’un père professeur de philosophie et d’une mère commerçante, Glad Moukiama a grandi dans une famille modeste et unie, entourée de ses deux petites sœurs et de son petit frère. Dès l’âge de 5 ans, elle manifeste un intérêt certain pour la création, avec un attrait particulier pour le design. Mais son père, soucieux de lui transmettre le sens des affaires, décide de l’initier d’abord au commerce.
« Pendant les vacances, mon père m’achetait toujours un régime de bananes que je devais vendre pour préparer ma rentrée scolaire », se souvient la jeune designer.
Sa mère, vendeuse dans les marchés domaniaux, l’emmène régulièrement avec elle, lui apprenant les bases de la gestion d’un petit commerce. Cette immersion précoce dans l’entrepreneuriat ne l’empêche pas de poursuivre ses études. Après l’obtention de son baccalauréat, Glad intègre l’École normale supérieure polytechnique (ENSP), en ingénierie électromécanique. Mais au bout de deux ans, elle ressent le besoin de se réorienter vers une voie plus créative, convaincue qu’elle s’épanouirait davantage dans la création.

De la passion, à l’entreprise …
En 2020, en pleine crise sanitaire liée au coronavirus, Glad saisit l’opportunité du confinement pour apprendre la couture. Elle commence par confectionner des masques en tissu, mais très vite, elle ressent le besoin d’aller plus loin. Elle suit alors une formation intensive d’un mois et demi dans un atelier, où elle conçoit ses premières vestes bomber et autres tenues.
Consciente que le marché du stylisme est déjà très compétitif à Brazzaville, elle choisit de se démarquer en se tournant vers un secteur encore peu exploré : la maroquinerie. À cette époque, la plupart des créateurs s’orientaient vers la customisation. La maroquinerie était un terrain vierge.
Grâce à des tutoriels sur YouTube et des formations en ligne, Glad se perfectionne dans l’art du travail des tissus africains (raphia, du bogolan, jute, kente,..) dans la fabrication des sacs. Malgré les difficultés d’approvisionnement en matériel, elle ne se décourage pas. C’est avec sa bourse d’étudiante qu’elle achète sa première machine à coudre manuelle. Une acquisition qui marquera le début d’une nouvelle aventure.
Avec Kanda Will, un ami proche, elle fonde la marque Anzico, nom tiré de l’ancienne appellation du royaume téké. Un nom porteur de sens : quelque chose qui commence petit mais qui est destiné à devenir grand. Leur ambition ? Créer la première marque de maroquinerie made in Congo. Et pour grandir, il faut d’abord poser des fondations solides, notamment sur le plan administratif.
Des obstacles, mais une vision claire …
En juillet 2024, lorsque le ministère des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Artisanat lance l’opération « Un jeune, une entreprise », pour favoriser l’insertion socio-professionnelle des jeunes et la création de dix mille entreprises en une année, Glad et Will saisissent l’opportunité de formaliser Anzico. Les frais d’enregistrement étant réduits de 75 %, cette initiative permet à de nombreux jeunes d’entrer dans l’économie formelle. Mais formaliser ne suffit pas : encore faut-il produire.
« Voyant notre motivation et le travail que nous accomplissions, mon père a décidé d’investir 500 000 FCFA pour l’achat d’une machine. Il m’a toujours témoigné un soutien indéfectible », confie Glad, reconnaissante.
Avec cette aide, quelques machines supplémentaires sont acquises, et les créations d’Anzico commencent à circuler. Rapidement, la marque est invitée à plusieurs événements majeurs : la FIAC (Foire Internationale de l’Artisanat du Congo), la CIAR (Conférence Internationale de l’Afforestation et du Reboisement), ou encore la Semaine du Raphia.
« L’un des moments les plus marquants de ma carrière reste ma désignation par la ministre Lydia Mikolo pour représenter le Congo au Salon international de l’artisanat du Cameroun, à Yaoundé. C’était une véritable reconnaissance de mon travail, et cela m’a énormément motivée », raconte Glad, aujourd’hui âgée de 29 ans.
La marque se développe, mais sans boutique physique, la distribution passe par les ventes en ligne et des partenaires comme Africa Shop, dirigée par Séraphine Ekoa, une femme d’affaires déterminée à dynamiser le commerce local.
« Grâce à Africa Shop, nous avons pu écouler rapidement nos produits. Ce partenariat nous a vraiment aidés à nous déployer sur le marché local », souligne Glad.
Avec une structure formalisée, une clientèle ciblée et des produits de qualité, l’ouverture d’une boutique devient une évidence. En début de l’année 2025, la première boutique Anzico voit enfin le jour. Mais à peine les portes ouvertes, les jeunes entrepreneurs font face à une réalité administrative rude et malheureusement leur enthousiasme est vite freiné.
« Nous pensions bénéficier d’une exonération de taxes ces premiers mois d’ouverture, mais les agents des impôts se sont présentés le lendemain après l’ouverture. Malgré nos explications, ils nous ont exigé de payer et arrivés sur place, les délais de paiement étaient dépassés, nous avons dû payer des amendes alors que nous venions de nous lancer. C’était très difficile à vivre… », témoigne Will, encore marqué par l’expérience.
Ce témoignage met en lumière un problème qui constitue un frein réel à l’émergence de petites entreprises. À cela s’ajoute un autre défi : le coût élevé des matières premières.
« Pour produire des sacs de qualité, nous devons importer des matériaux d’Afrique de l’Ouest. Et c’est paradoxal de payer très cher ici, au Congo, des matières comme le raphia, pourtant localement produites », déplore Glad.
Malgré les obstacles administratifs, les charges fiscales précoces, et le coût de la matière première, et les problèmes d’électricité, Glad et Will continuent de faire briller leur rêve. Ils incarnent cette jeunesse congolaise résiliente, ambitieuse et créative, qui croit en son potentiel et choisit de bâtir, avec patience et passion, un avenir durable.
Un parcours qui fait de la marque Anzico un symbole de persévérance, un porte-voix de l’excellence locale, et une preuve que l’on peut partir de peu et créer quelque chose de grand, au cœur même du Congo.
Mildred Moukenga, La Vitrine


