Aline-France ETOKABEKA est une journaliste et spécialiste en communication institutionnelle d’origine congolaise, née à Mossaka, dans le département de la cuvette, d’un père cadre dans l’administration publique, et d’une mère Sage-femme. Avant-dernière d’une fratrie de 7 enfants, Aline-France grandit en symbiose totale avec sa sœur cadette Patricia ETOKABEKA, qui occupe une très grande place dans sa vie, « Nous avions été élevées comme deux jumelles » précise-t-elle. Au départ, elle rêve d’être hôtesse de l’air ou diplomate, car son vœu le plus ardent, c’est d’exercer dans un domaine qui lui permet d’avoir un contact direct avec le public.

Après un Bac A4 au Lycée de la Révolution à Brazzaville, elle s’inscrit à la faculté des lettres, notamment en sciences et techniques de la communication. Arrivée sur les lieux, elle est tout de suite effrayée et découragée par la pléthore d’étudiants qui y figurent «je me décide alors de choisir un autre département toujours dans la même Fac à Bayardelle » confit – elle. Étant très passionnée par les langues, Aline France décide d’intégrer le département des Langues vivantes étrangères (LVE), option littérature et civilisation du monde anglophone. Après l’obtention d’une Licence, son attachement à la communication l’emmène à Télé Congo où, avec un groupe de collègues, ils initient un projet d’émission prônant l’apprentissage de l’Anglais.
C’est grâce à cette initiative qu’elle débute un premier stage à la direction de l’Information de Télé Congo. Son abnégation, sa passion et son travail remarquable, feront qu’elle soit retenue à la Rédaction française, tout d’abord, ensuite à la présentation du journal après un long moment d’apprentissage. Il aura fallu juste quelques éditions intermédiaires, pour qu’elle passe à la grande édition de 20 h, et 6 mois plus tard, elle sera couronnée « Meilleur présentateur du journal télévisé ».
Forte de ses débuts riches en expérience, Aline-France s’envole ensuite pour les États-Unis, grâce à une bourse américaine, afin de suivre une formation en journalisme d’investigation. À l’issue de cette prestigieuse formation, elle revient au Congo et quelques années plus tard, toujours dans sa quête de savoir et d’accomplissement personnel, elle voyage pour la France et la Belgique pour des formations en journalisme et en communication. 8 ans plus tard, elle regagne Brazzaville, sertie de quelques diplômes et d’une connaissance accrue du métier. Ceci, à l’issue de formations et d’une série de stages effectués au siège de l’Union européenne à Bruxelles et dans quelques grandes chaînes de la Télévision française à l’instar de Cnews, France 2, Télé Sud, etc. Avec à la clé, la couverture de la campagne présidentielle française de 2012 qui porte François Hollande au pouvoir.
Les différents reportages qu’elle réalisera, l’emmèneront à interviewer quelques grandes figures de la politique française comme Alain Juppé, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Eva Joly, Cécile Duflot, Nathalie Artaud, Nicolas Dupont-Aignon.
De retour au Congo fin 2017, elle retrouve le plateau du 20 H de Télé Congo. Entre temps, elle est désignée pour assurer la couverture de la 23e Conférence sur le Climat (Cop 23) en Allemagne. À cette occasion, elle aura l’honneur de réaliser une courte interview du président français Emmanuel Macron.
Deux ans plus tard, en 2019, elle se voit confier la Direction de l’Information puis en 2021 la Direction des Programmes à Télé Congo.
INTERVIEW EXCLUSIVE
Pouvez-vous vous présenter en quelques phrases ?
Aline – France E. : Je suis Aline France ETOKABEKA , journaliste et spécialiste en communication institutionnelle. Actuellement directrice des Programmes à la Télévision nationale Congolaise, précédemment directrice de l’information.À noter que je suis la toute première femme de l’histoire de la Télé-Congo à occuper ces deux fonctions après avoir bénéficié de la confiance de la hiérarchie et j’en suis très honorée.Je suis diplômée de l’École Supérieure de Journalisme de Paris (ESJ), j’ai pour spécialité l’investigation journalistique après une formation à l’université du Minnesota aux États-Unis. Et dans le cadre de la communication, je suis spécialiste en communication institutionnelle formée à l’École Supérieure de Gestion de Paris (MBA ESG). Enfin, je suis mère de deux magnifiques filles et d’un garçon évoluant tous les 3 en occident précisément aux États-Unis pour l’aînée et en France pour les deux autres.
Travailler dans les médias a modifié quoi dans votre vision en général ?
Aline – France E. : Déjà travailler dans les médias implique une forte détermination. Cela m’a bien évidemment beaucoup transformée, et ce, dans plusieurs aspects : ma perception du monde du travail et de la société, mes rapports avec les autres et surtout le côté imprévisible de l’humain. Avant, nous cheminions sans expérience et pensions vivre dans un monde de bisounours. Nous avons fini par comprendre et intérioriser certaines profondeurs et quelques détails qui nous échappaient auparavant. À savoir que pour certaines personnes ce n’est pas le fait d’accéder à une catégorie d’échelle qui conforte une position. Il s’agit plutôt de prôner l’effort, atteindre ses objectifs par le travail et travailler davantage pour créer une sécurité professionnelle autour de soi. Se prouver chaque jour en épousant le processus d’apprentissage perpétuel, se remettre en question quasi quotidiennement, sortir de sa zone de confort et avancer rien que par le travail en aiguisant sa curiosité, car personne ne vous balisera le chemin à votre place. Compter d’abord sur vous-même avant de s’appuyer sur autrui, car le travail, le vrai, paye toujours quelles qu’en soient les conditions. Seule la patience et le temps en sont, maîtres.
Quelles sont les choses auxquelles vous devez vous privez régulièrement pour atteindre vos objectifs ?
Aline – France E.: Au plan personnel, j’ai vu au fil des années ma liberté se restreindre en se laissant grignoter par le métier de journaliste qui se galvanisait en moi avec tout l’aspect vedettariat qui l’accompagne à mesure que je montais en échelle. Et tout cela n’est sans conséquences, fussent-elles positives ou négatives. J’étais quelqu’un de très indépendant dans ma nature, mais cette manière d’être a complètement été bouleversée par la délimitation de mon champ d’action que m’imposait le métier car étant sous les projecteurs tout est scruter au moindre détail. Donc pas droit à l’erreur même la plus naturelle qui peut exister aussi pas droit à une vie normale.
J’ai vite compris ce paradoxe qui consiste d’un côté à savoir que l’on ne peut se suffire à soi-même et de l’autre, l’on ne peut faire totalement confiance à quelqu’un. Ce qui importe, c’est le travail et les moyens que l’on se donne pour s’accomplir pleinement. La curiosité qu’on s’attire par cet effet de vedettariat ne doit pas nous monter à la tête. Il faut en effet faire preuve de beaucoup d’humilité et de concessions pour se faire accepter et se faire comprendre, car le revers de la médaille n’est pas si loin qu’on ne l’imagine. Aussi, se servir des leçons de quelques-uns de nos prédécesseurs qui n’ont pu éviter l’imprévisible et se sont fait casser la figure. Les médias sont toute une école de vie. Nous informons et éduquons, donc sans ambages devons servir d’exemple à tous égards. Et cela fait appel à beaucoup d’éléments et surtout le renoncement de soi-même pour servir : un véritable sacerdoce.
Vos plus grands défis en 2023 ?
Aline – France E. : Notre jeunesse souffre du manque de repères malgré les efforts consentis chaque jour par les pouvoirs publics. Nous sommes aujourd’hui vu comme ces modèles qui devraient servir de boussole à la nouvelle génération, ainsi pour accompagner le gouvernement dans sa mission d’encadrement des jeunes. C’est dans ce souci qu’à titre personnel et professionnel, je souhaite mettre en place une stratégie visant à ouvrir les portes à celles et ceux qui ne savent pas par où commencer pour atteindre leurs objectifs et les aider à se donner les moyens nécessaires pour y parvenir. Pour se faire nous avons plusieurs projets en tête dont celui de solliciter au moment opportun à notre hiérarchie à travers un programme, un accompagnement à la mise en place des conférences thématiques et des journées portes ouvertes à l’endroit des jeunes et étudiants aspirants à intégrer l’univers communicationnel et médiatique congolais. Nous descendrons sur le terrain pour repérer les talents afin de jouer ce rôle de transmission à ceux qui seront jugés dignes de porter cet étendard et constituer la fierté de demain. Lorsqu’on est une personnalité publique, la peur du regard des autres peut finir par prendre le dessus sur votre façon d’être, vos choix et votre existence tout simplement.
Peut-on réussir à être vrai, dans ces conditions ?
Aline – France E. : Cette question est fondamentale, vous faites bien de la poser. Être un people annihile en vous le droit d’être comme tout le monde, car vous vivez bien que pour vous, mais dans un cercle très privé et restreint, et pour le public, car comme je l’ai dit en amant, votre façon d’être, vos habitudes, vos choix sont vus et décryptés par l’ensemble de la société. Ce qui vous conduit à savoir se tenir, se délimiter dans l’espace, de sortir de vous-même pour porter une image populaire. Et cela a bien des règles et des codes à respecter. Vous incarnez un idéal. Votre simple attitude peut donner espoir à ceux qui croient en vous. Vous présentez mal votre image, vous décevez plus d’un, vous la présentez bien vous leur offrez de l’espoir et du bien-être. Vous êtes pour eux un élément d’apprentissage, mieux un baromètre. Dans un espace public, votre cocon privé n’existe nullement, vous devenez un produit marketing, un élément public, au service du public et de la nation. Vous êtes perpétuellement sous les projecteurs et donc vivre en conséquence.
Comment gérez- vous l’adversité, les jugements et la diffamation ?
Aline – France E. : À une certaine époque c’était un réel problème. Je me sentais très mal en mon fort intérieur en affrontant ces situations, mais aujourd’hui cela représente pour moi une vraie école de la vie qui fait grandir et aide à appréhender toute éventualité. J’en apprends beaucoup et cela me permet d’être en avance sur d’autres personnes. Je vis tout cela de haut, car à aucun moment rien n’a jamais reflété la réalité, c’est bien dommage pour les auteurs de ces infamies et grâce pour moi, car on se rend compte à quel point les gens ignorent tant de vous malgré toute l’énergie qu’ils mobilisent dans leurs démarches. Finalement, l’on se sent très grande et importante, car il y en a qui se cassent la tête pour chercher à vous déstabiliser, mais qui au final, sont aux antipodes de la réalité. Ils sont désorientés, se cassent la figure en cherchant à casser la vôtre et les choses sont très bien ainsi. On en conclut en disant : rien de grave tout va bien, nous avançons donc assurément vers notre destinée comme quoi « le chien aboie la caravane passe », car nous sommes dans la démarche de travailler et laisser dire. À mon avis, si tous pouvaient embrasser cette démarche, le Congo serait très loin et le gouvernement aurait été fier de disposer des compatriotes exemplaires.
Selon vous, quel est le plus gros problème auquel les femmes qui font carrière sont confrontées aujourd’hui ?
Aline – France E. : Déjà, être femme dans notre société est un problème, en plus l’être avec un certain cerveau, des ambitions et une vision, multiplie le problème par mille. Trop d’a priori, beaucoup de préjugés pensant qu’une femme ne peut réussir qu’à travers un certain soutien. On a du mal à donner sa place à la femme méritante. Et derrière ce mérite, on aime souvent positionner la tête d’un homme faiseur de reines, cela est très rébarbatif. Dans un autre cadre comme dans un ménage, toutes les tâches sont considérées comme féminines, la pauvre femme qui se retrouve dans une position où l’homme est macho, ce dernier la surchargera expressément, du coup, elle est obligée de faire un choix face à deux réalités. Celles qui n’ont pas une force de caractère éprouvent tous les maux du monde pour avancer professionnellement et finissent par abandonner. Celles qui ont plus de chances et de courage, se donnent des moyens, s’assument, s’imposent et avancent. Ces combattantes constituent la fierté et l’espoir de toute une génération. En cela, nous y adhérons pleinement.
Quelle est votre définition de l’accomplissement de soi ?
Aline – France E. : Je définis cela en peu de mots : atteindre les objectifs que l’on s’est fixés, être utile à la société et vivre pleinement sa passion.
Quel est votre côté que les gens ne connaissent pas et que vous aimeriez partager ?
Aline – France E. : J’ai un esprit très alerte porté vers le beau et le bon, je suis affable, sensible à la misère des autres, très créative et novatrice.
De quoi êtes-vous le plus fière ?
Aline – France E. : Ma fierté repose en grande partie sur une certaine reconnaissance dont je bénéficie de la part du public. Je suis face à une grande responsabilité chaque fois que je croise un inconnu qui me fait comprendre que je suis source d’inspiration et modèle. C’est très gratifiant, c’est un vrai booster dans notre volonté de toujours faire plus, afin que dans ce que nous savons faire le mieux, laissons un héritage conséquent à la femme congolaise et aux futures générations comme l’ont été quelques-uns de nos prédécesseurs. Car comme vous le savez, nous sommes dans une profession très contraignante et stressante, l’histoire de toute une nation s’écrit à travers notre capacité à être les plus pertinents et responsables possibles par nos approches et tout l’arsenal professionnel qui nous encadre et nous engage dans l’appréhension et la présentation des faits au public. Au milieu de ce feu, les moments de bonheur reposent sur ces quelques bols d’air que nous recevons de temps à autre sur notre chemin.
Quels sont les moments les plus sombres de votre carrière ?
Aline – France E. : Ces moments sont très difficiles à extérioriser d’autant plus que personnellement, je m’interdis de m’ériger en victime, car c’est l’attitude des faibles, or, je ne me considère pas comme étant une. Rien ne dure éternellement, le facteur temps est très capital, car il sait remettre chacun à sa place. Pour ma part, je prône la résilience à tous égards car, ne dit-on pas que « la résilience, c’est l’habileté de recevoir les coups et de se relever . Une autre citation plein d’enseignement :
« Si vous rentrez dans un mur, n’abandonnez pas. Trouvez un moyen de l’escalader, le traverser, ou travaillez autour ».
Partagez trois questions existentielles que vous vous posez régulièrement ?
Aline – France E. : Quel est le sens réel de la vie si nous sommes appelés à mourir demain ? D’où viennent les humains au-delà de la théorie de l’évolution et de l’aspect spirituel ? Où se trouve le paradis et à quoi ressemble-t-il?
Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui veulent faire carrière dans les médias ?
Aline – France E. : Elles doivent s’armer de courage et de détermination, ne jamais laisser personne vous détourner de vos objectifs professionnels, se donner les moyens et toutes les chances de son côté pour vivre pleinement sa passion. Comme le disait si bien ce grand sage africain que j’appréciais bien, Nelson Mandela, je cite : « Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité », fin de citation.
Votre mot de la fin...
Aline – France E. :J’ai eu plaisir et tout le bonheur à m’ouvrir un peu plus à travers cette interview bien orientée et ciblée. J’apprécie cette belle démarche du Magazine Mata qui se fait une place de choix dans notre paysage médiatique. Bravo à la promotrice Mildred Moukenga, une consœur très dynamique et entreprenante qui a toute mon admiration. Merci pour cette empreinte féminine qui renforce notre fierté et valorise le talent de la femme congolaise.
Merci aux lecteurs et à l’ensemble du public tant congolais qu’international qui nous suit de très près et nous fait confiance.
Publié le 17 Janvier 2023/ Mata Magazine



